Elina...

Elina, elle a 12 ans. Elle a vu Jo pour la première fois lors de son concert à Cassis le 2 octobre 2004. Elle parle de ses émotions. Elle en parle bien...

André.

     
LA LEÇON DE CHANSON
 

Il était d'usage, en Crète, de noter les jours heureux par des cailloux blancs et les jours néfastes par des cailloux noirs.

Je ne me serais jamais déplacée pour entendre Georges Moustaki si la pochette puis le contenu de son dernier CD ne m’avaient interpellée. Son seul défaut ? Le copy-control. Surprenant de la part de quelqu’un habitué à désobéir, mais après tout, nul n’est parfait. Cet album que j’écoute, fredonne, chantonne intégralement, avec plaisir, sans me lasser, illustre parfaitement l’idée que je me fais de la chanson. Transmettre cette émotion particulière qui incite à vouloir vérifier si son auteur, sur scène, déclenche un effet semblable. Le 2 octobre 2004 à Cassis ce fut chose faite. Oui, Georges Moustaki est quelqu’un chez qui il faut absolument prendre - sans rien lui demander- la leçon de chanson !

Tout d’abord ce qui accroche l’œil quand l’ouvreuse vous installe c’est la place que tient sur une scène étroite, le piano noir. Posé dessus, un simple verre d’eau, moins quelconque qu’une bouteille plastique humanise cet instrument solennel. A gauche, deux guitares, l’une claire, l’autre sombre. En retrait, délicatement installé l’accordéon nous observe d’un air mi-goguenard mi-indulgent. En revanche, révélateur de non-conformisme, pas de bouzouki pour cette soirée placée sous le signe de la Grèce.

21h 30 : Georges Moustaki ponctuel, la montre au poignet, grand, droit comme un I, sec, tout de blanc vêtu, nous salue. Regard pénétrant, longues mains de musicien, il restera debout durant la quasi-totalité des titres où il s’accompagne soit à la guitare soit à l’accordéon. Une absente remarquée : la choriste à laquelle se substitua immédiatement le public féminin. Les messieurs reprirent plus volontiers les refrains engagés. En arrière, monsieur guitare, monsieur multi-instruments, monsieur basse, monsieur batterie accompagnent discrètement. La sonorisation placée à droite, n’agresse ni ne flatte le tympan. On dit que plus personne ne prête attention au confort auditif. Je remercie les gens soucieux des oreilles d’autrui pour ce véritable luxe.

Sans récapituler l’ensemble des titres interprétés, le tour de chant de Georges Moustaki n’a pas d’équivalent. Liberté d’inspiration alliée à rigueur d’exécution permettent à Georges Moustaki de s’échapper rapidement de l’image nonchalante et je-m’en-foutiste pour envoûter le public. Cet art se résume en peu de mots ; aimer et faire aimer sa chanson. « Le facteur » qu’il dit chanter à chaque récital. Qui ne l’a pas écouté et réécouté mille et une fois ? Ce soir, par enchantement c’est la première fois que je l’entends. En mélangeant des titres du nouvel album avec ses « vieux machins », Georges Moustaki déroule son répertoire comme dans un songe. Il susurre sa vision du monde et nous facilite l’entrée dans ce rêve en nous invitant à reprendre les refrains en chœur.

Incontestablement, Georges Moustaki maîtrise sa voix, aussi blanche que sa barbe, du début à la fin de sa prestation. Sans tricherie, une trentaine de titres s’enchaînent harmonieusement. Rien de prémédité, ça coule de source. Ma véritable découverte de la soirée ? Le musicien étonne. La facilité avec laquelle, il passe d’un instrument à un autre mérite l’attention. Guitariste, pianiste où accordéoniste, Georges Moustaki force l’admiration. Jamais ridicule, rarement racoleur (Je préfère « Un jour tu es parti » à « Les amis de Georges » suivis des «copains d’abord ») toujours juste dans le ton, Georges Moustaki donne envie d’aborder tous les instruments. L’agencement des chansons est un mystère. Faire côtoyer « Chanson cri », un titre sur la Palestine, « Nous sommes deux, nous sommes trois » « Sacco et Vanzetti » avec des rengaines et des incontournables, seul le « Milord des métèques » peut se le permettre !

Un regret, ni « Gardez vos rêves » ni « Le repenti » ne furent au programme. Une déception, l’interprétation de « Quand j’étais un voyou ». Je préfère la version swing comme le film de Tony Gadliff.

Deux révélations, « Odéon » et « Éphémère éternité ». Presque seul au piano, il réussit la projection moqueuse des petits films que sont ces deux chansons. Une surprise, Georges Moustaki aurait découvert « Le petit testament » et son auteur Jean Prévost en consultant Internet. Soyons-lui reconnaissant d’avoir choisi de mettre en musique ce poème qui remet en mémoire la Résistance et rend palpable un auteur mort jeune dans le Vercors. Hélas ni « Sanfoneiro » ni « Venez danser » ne figurent au rappel mais seulement « Grand-père » puis « Et pourtant dans le monde ».

Au final, toute la salle debout ovationne mais Georges Moustaki et les musiciens ne reviendront pas.

Elina Franchi
Collège Pont de Vivaux