C’est surprenant mais tout de même moins que …

 

« André, en français, peut-on dire  « casse-pieds » ? »  Oui, bien évidement, tu peux.  « …Et on peut dire aussi  (*) « casse-coui… » ? » Heu… tu pourrais mais… !  L’assemblée éclata de rires. C’est tout à fait surprenant cette question innocemment posée par une francophile passionnée, émérite. Chaque rencontre avec cette boulimique du verbe juste, qui m’enchante depuis le premier jour, est une manne ludique pour titiller les mots comme les chats s’amusent avec les pelotes de laine. Chaque idiome devient une parenthèse jouissive, une aventure à durée très variable, une histoire parfois courte, une légende toujours épique. - Un jour, un orfèvre m’a appris l’origine de ce vocable un peu désuet : « catimini » ; mais c’est une autre histoire … -

C’est surprenant mais tout de même moins que cette ondée impromptue, puissante, continuelle. Il pleut, il pleut averse. En cette période de l’année,  en ce lieu idéalement éloigné des poncifs géographiques ibériques très fréquentés en ce milieu du mois de juillet, cette précipitation est des plus improbables. Rien à voir avec un orage estival, passager, rafraîchissant, bienvenu. C’est une pluie d’automne, tenace, froide, drue. Dans ce hameau, non loin de Vic, tout à côté de Barcelone, nous sommes réfugiés dans le salon de Maïté et Pelai, autour d’une cheminée opportunément assoupie, fardée de cendres grises et de brandons déchus.

C’est surprenant mais tout de même moins que d’avoir pour guitaristes les brésiliens Toninho Do Carmo et Tarcisio Gondim, ainsi que pour choriste la chanteuse lusophone Maria Teresa. Les chansons de Georges Moustaki s’enchainent. Chacune, chacun  fredonne, chante, vibre, partage. Pelai est aux anges. Maïté le couvre d’un regard  amoureux mais aussi délicieusement  maternel. Valérie fume près de la fenêtre. Pilar ne dit rien. Elle savoure la qualité de l’instant. Jocelyne psalmodie. Laurent et Antoine sont restés en France. J’ai une pensée pour Teruko qui nous aime, loin, loin d’ici….

C’est surprenant mais tout de même moins que d’entendre, un peu plus tard, Toninho nous remercier de notre présence ici et ailleurs, de notre amitié, de notre fidélité, de notre participation active ressentie comme familiale. Ses mots sont sans ambages. De ces mots directs, tranchants, limpides, qui vous transpercent brutalement, qui vous clouent un instant au point d’arrêter votre respiration, entamer votre équilibre, perturber vos yeux…

   
  Maria TERESA
C’est surprenant mais tout de même moins que d’écouter, deux jours de suite, Maria Teresa,  en concert ; le premier soir à « l’Alliance Française » de SABADELL , le second au club « Jazz Cava » de VIC. Cette jeune femme est habitée, si je puis dire, « habitée de tout un passé »…  Née en France, d’origine portugaise, elle chante avec grand talent  les chansons populaires des pays lusophones : Brésil, Cap Vert, Angola et bien sûr Portugal. Sa force lui semble venue de générations de chanteuses de « Saudades » mais aussi de sa mère. Sa modernité fait fi de toutes les emphases superfétatoires. Le fado, le baiào, le forro brésilien se côtoient avec un égal bonheur en une ronde subtile, méticuleuse, sensuelle. Sa voix d’une musicalité surprenante est portée par des instrumentistes d’une virtuosité qui n’a d’égal que l’humilité et la justesse du jeu. C’est époustouflant, enivrant, captivant et d’une émotion de chaque instant.
   
 

Surprenants, cette fête des cœurs, ces émotions perceptibles chez chacune et chacun , ces virées jusqu'à 4 heures du matin, ces repas  partagés, ces promenades radieuses, ces inoubliables instants de bonheurs parfois enfantins et moqueurs. Merci à vous  Pelai et Maïté, Maria Teresa et Toninho, Pilar, Valérie, Jocelyne, Tarcisio pour lequel il m’a fallu ôter un nom de ma mémoire pour retenir ton prénom. Merci également au plus présent des absents… Il est des jours où l’on se sent meilleur…

André

 

(*) Pour notre plaisir commun, dans la version originale, le mot ne fut pas censuré !