Mes amis… (Lettre à Albert) |
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L’expérience qui bien tardivement commence à livrer ses saveurs délicieuses, sapidités subtiles, me pousse à démentir les théories bienséantes, antonymes trompeurs. Elle m’enjoint à délaisser nombre de vilains réflexes, acquis détestables d’une vie par trop normative. Cette pratique du temps qui me ramène vers l’enfance m’invite depuis peu à me rapprocher de l’inné, complice d’avant le premier jour, trop longtemps délaissé. Or donc, les bouquets me sont tous singuliers. Mes yeux et mes oreilles voient et entendent différemment. Ils sont les instruments de mon attention renouvelée. Vivre avec curiosité le plus anodin des instants est une folie émotionnelle, un luxe rare, un plaisir difficile à atteindre qu’il me plait de m’offrir. Je m’essaye à m’aimer et c’est là, pareillement, une récréation nouvelle…
J’ai connu un frère qui le restera toute ma vie malgré nos différents, j’ai partagé de grands moments avec quelques voyous, j’ai cultivé les liaisons avec le grand, l’important, le connu mais aussi avec l’humble, l’effacé, l’anonyme. Pis encore, il m’arrive d’aimer chez l’homme l’ami d’enfance qu’il fut alors que l’être a cessé de me plaire. À l’encontre des maximes du grand Épicure, jamais je n’ai adopté l’amitié pour ma propre utilité. Ces pratiques j’en ai sans doute usé mais pour mes relations… Débarrassée des tourments de la chair l’amitié est un amour, une union bâtie sur le respect réciproque. En cela, elle est une fleur des sels de la vie.
Quintessence du faste, s’il en restait encore, j’ai jeté tous mes masques et il me plait d’offrir mon visage et mes mains nus. André. |
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